Trois Nuits / NOVALIS – traduction Christian Désagulier

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Préface

Carbonisation n’est pas une traduction du manuscrit des Hymnes à la Nuit de Novalis mais une expérience de récriture, une volonté de soumission aux beautés devinées dans cet étrangement noir : discordances, bouleversements, tremblements de se taire, divagations – rien d’interdit à la condition d’habiter, le temps de cette transposition, le monde du poète..

 A cet égard, la version manuscrite en vers (Handschrift, 1799) a été préférée à celle donnée pour impression par Novalis en prose très peu révisée lors des passages à la ligne, et publiée dans la revue Athenæum de Friedrich Schlegel (tome III, fasc. 2, 1800..)

Aussi, en quelque sorte est-ce un mi-inédit que l’on propose au lecteur français et allemand.

Est-il raisonnable de penser que la décision de transposer le poème sous le titre de Carbonisation, vers pour vers, point pour point, à la virgule près – ce qui n’est pas la moindre des loyautés – soient d’efficaces prises, quand, avec les abîmes d’indicible de Novalis se mouvant, on veut progresser dans sa Nuit, la pensée du poème en rappel ?

Il a semblé souvent que les « traductions » françaises toujours réalisées à partir de la version de l’Athenæum en prose, à s’approprier la sémantique évangélique dont on entend bien qu’elle imprègne le poème, traduisant Hymnes au féminin, aient sous-évalué le matérialisme paradoxal qui règne sur lui.

Aussi, l’idée immédiate fut-elle de rendre justice au poème en puisant dans le lexique du géologue, biologiste, astronome, physiologiste, technicien, mathématicien que fut le poète de Henri d’Ofterdingen, penseur, ingénieur des Mines, dont les ouvrages fragmentaires, tel que le Brouillon Général, témoignent de l’encyclopédisme..  Sachant que dans ce rééquilibrage de balance, ou plutôt dans cette recherche d’un nouveau point d’équilibre, la boîte de poids est toujours incomplète, l’appareil, de démesure.

Car c’est un poète total qui prospecte la géode aimée dans la matière nocturne et chante sa découverte, qui, le front ceint de la lampe acétylénique des mots pourvoyeurs de crépuscules, s’exprime sous l’emprise d’espérances substantielles – les mots du poème – ivre de teinture mère de pavots, où les limites de soi à trait plein pointillent, confèrent à la matière la translucidité de l’esprit : l’esprit de cette transposition, que le dard des crépuscules carbonise..Mais là ne devait pas cesser notre quête, la cueillette miraculeuse de géodes, ces fruits à chair cristalline violette aux noyaux gazeux.

A la fin, la matière sémantique vivante transformée en carbone, le poème écrit au crayon Conté et à la plume trempée dans l’encre au noir de fumée, persistait le sentiment d’une dette, celui de s’être « servi » des Hymnes, certes, à des fins de fidélités  paradoxales, au lieu de les servir, à dessein de se dire soi, avant.

Ainsi advient le moment de remonter aux sources moins discutables du grand poème de mort et d’amour, de se rebaigner dans ce même fleuve en se laissant entraîner jusqu’à l’estuaire puis de rendre compte avec le plus de pixels possible des images mentales mémorisées au cours d’un Styx aux méandres de carte du tendre : arrive le temps de rembourser le prêt, rubis de soleil couchant sur l’ongle, le temps de tendre vers Novalis dans notre langue française, la sienne propre, naviguée au près, avec pour astrolabe André du Bouchet traduisant En bleu adorable de Hölderlin et  La tempête de Shakespeare ainsi que Finnegans wake de James Joyce, vent de face dans l’océan vocal des morphèmes.

Et si les Hymnes à la Nuit et Carbonisation, parvenaient à déchiffrer chacune à sa façon le log book de Hymnen an die Nacht, trio fatal, et que ce déchiffrement forcé d’un échouage se produisait sur l’île où Novalis dans sa langue sublimante dépose ses lecteurs d’outre Rhin, au débouchée d’une étincelante galerie souterraine…

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