La revue est dirigée par Christian Désagulier avec Julia Tabakhova au design graphique.. Le projet de la revue tient dans son titre : elle voudrait montrer que le poème existe en toutes formes de dire que ces formes relèvent de tous les champs du connaître, soi et le monde, de l’agir, sur soi et sur le monde et de l’espérer pour soi et pour le monde, sachant que « Toute forme engendre une force » comme dit Hugues MacDiarmid..C’est à dire que le poème se prête scientifiquement à lire, humainement, exactement.
Exactes, toutes les sciences le sont, vérités discutables, rêves vérifiables : suivent les règles de l’art. Affaires de techniques, de qualités et quantités, de nombre entier ou décimal, sachant qu’il y a poème chaque fois que l’on accorde aux mots comme à leur arrangement, une probabilité de sens, une énergie potentielle de raisonnance ..
Des Cahiers dont la composition des contributions fasse poème aussi, en éclaire les qualités poématiques par effet rétroactif – fasse poème de poèmes ponctués de photographies comme prises par elles : fasse un poème-photos pour TOUTE LA LIRE..
« This is a poem if I say so ! »
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..TOUTE LA LIRE en tant que machine à lire le poème généralisé
Il arrive qu’en 1976 tout commence par la publication de quelques premiers vers dans une revue, dans la Commune Mesure de Jean-Hugues Malineau. Tu croises un poète qui bientôt te croise et t’embarque avec lui dans l’aventure des mots, te révèle que ceux du poème partagent avec les liquides le principe d’Archimède et que dûment jointoyés, quintoient.
Il arrive alors que tu te demandes, celui que tu imaginais devenir à maturité, ou bien qui d’Autre, les cartes à jouer déployées : il n’en sera rien, poète on ne peut que devenir, désapprendre à être avec le temps qui coule et que de ponts en ponts qu’il est impossible de traverser sans repasser deux fois par le même pour revenir à la maison comme à Königsberg, si c’est cela la vie.
Ponts desquels tu sautais dedans le fleuve avec les moutons, il arrive alors que d’autres poètes te recueillent à bord de leur yole : l’Oracl Valin Jean-Claude en 1985,
l’In’Hui Jacques Darras, la PO&SIE de Michel Deguy et la Jalouse Pratique d’Hervé Bauer en 1994 avant que François Bon remue.net en l’an 2000, et puis vers la FIN Jean Daive précède en Pleine Marge Jacqueline Chénieux et que Jean-François Bory fonce à 591, tandis que d’alphanumériques Catastrophes de Pierre Vinclair arrivent et sitôt dit sitaudis de Pierre Le Pillouër : des « interprètes anonymes, enchaînés et brillants de la revue à grand spectacle » (André Breton).
Il arrive qu’un jour, tu imagines à ton tour un bateau à voiles de papier résistant à la corrosion en mer des sarcasmes. Un bateau affrété de poèmes dont le manifeste ferait poème à son tour, poème de poèmes pour Toute la lire. Une embarcation dont tu aurais confié le design, la texture des lettres de l’alphabet, le choix des matériaux et la conception du pavillon, des flammes et de la figure de proue à Julia Tabakhova de rigueur toute helvète et de mers intérieures.
Une revue en forme de bateau à voiles dans une bouteille, fut-elle de Klein, dont le message envelopperait la bouteille, fut-elle de Kleist, ou bien encore une pile Volta dont le contact des textes multidisciplinaires et polyglottes produirait assez de courant d’éclairage pour lire les nuits sans lune de la Grande Panne.
TOUTE LA LIRE n’est toutefois pas un laboratoire, c’est-à-dire un lieu de recherches expérimentales ni appliquées, dirigé par un mystérieux docteur Cornélius.
N’est pas non plus un kiosque localisé à la pointe extrême du Kamtchatka. Ni non plus une cabane de paille ou de bois, une maison en papier, pirouette, cacahouète, ou bien encore un préfabriqué où d’insouciants petits cochons trouveraient refuge aux toc, toc, toc contre la porte de pères-grands déguisés en grands méchants loups. Non, ce sont les mamelles des louves qu’il convient de téter comme Gibbon pour faire du poème le poème.
TOUTE LA LIRE serait un lieu où la composition des parties ferait un tout rétroréfléchissant, un poème de poèmes, une synecdoque ponctuée de photographies prises à chacun de leur flash, un poème-photos.
Et voudrait montrer qu’en cherchant, il y a partout, à l’état latent, soucis de langage, entêtement, sans solution de continuité de genres ni d’espèces, que le poème relève de tous les champs du connaître, soi et le monde, de l’agir, sur soi et le monde, de l’espérer, pour soi et le monde.
On y forme l’hypothèse et voudrait y montrer par le medium de l’encre et du papier, du toucher, qu’en tous champs du connaître, de l’agir et de l’espérer, qu’en toutes formes circonstancielles de dire comme de lire il y a potentiellement du poème pourvu que l’on accorde aux mots et leur aura, visuelle et sonore comme à leur combinaison, un supplément de sens, une probabilité de présence – de pré-sens – un générateur d’énergie pour les nuits sans lune.
« Toute forme engendre une force… » dit Hugh MacDiarmid. C’est bien ce que TOUTE LA LIRE en ses Cahiers de poégraphie voudrait produire, la force de se tenir parmi les siens au bruit de claquement des langues sachant que tout élargissement du poème, au sens d’agrandir comme de libérer, prend le risque d’esseuler par effet retour, et celui que toute forme à l’informe reconduise.
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Le Cahier N°1 paru le 4 août 2015 a couleur de latérite rapportée des pistes africaines d’Ouest et d’Est, de Grèce comme du corps et de là, réunissant poètes, philosophe, anthropologues, dramaturge, écrivain-e-s d’atelier, au bureau comme à cheval ou à vélo, tous tout à la fois, écrivain-e-s de poèmes, ponctués des photographies rapportées des trois coins cardinaux d’Afrique et bornés de dessins aux noirs saturés.
Le Cahier N°2 datant du 11 novembre 2016, a de l‘indigo la couleur et poursuit son enquête anthro-poétique en tous genres, en compagnonnage d’auteur-e-s de poèmes, de récits et de théâtre, traducteur-e-s, toutes et tous le sont, poètes-quelque chose, anthropologues qui écrivent sur le terrain, celui du corps comme d’Espagne, de Colombie, dans l’entre-deux russoviétique, c’est à dire sur, pour et depuis maintenant.
Le 14 juillet 2017, un Cahier N°3 parme de poèmes géo-ethno-musico-politico-bio-cinémato-graphiques pour explorer de nouvelles possibilités hypergraphique. Un pied aux péninsules d’Europe, nordique et italique, un autre en équilibre sur une poutre en Russie, d’autres encore marchant dans les flaques de ciels d’océans mais toujours marellant, chaussés de semelles cousues d’Afrique – il en faut des pieds pour se faire un ailleurs et des mains à serrer, à jongler avec des 0 et des 1 où le poème se jouerait des langues et des alphabets : un poème de poèmes si et seulement si.
Le 21 juin 2022, le Cahier N°4 fête l’advenue de l’été. Le poème en forme de caillou lancé de noms de pays, le nom, en noms de pays, le pays, on sautera à cloche-pied de Normandie en Irlande, des États-Unis à Dubrovnik et de Belgrade à Paris, en Allemagne aux historiettes édifiantes jusqu’à X’ian en Chine où les guerriers de l’éternité poursuivent la lutte contre le temps sous terre, ainsi que dans le Valenciennois.
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Ont contribué aux Cahiers de poégraphie : Pascale Petit, Chantal Neveu, Jesper Svenbro, Alain Borer, Nathalie Léger Cresson, Frank Smith, Alexandre Friederich, Yves-Marie Stranger, Jean-Marie Gleize, Eloi Ficquet (Cahier N°1) ; Marie Borel, Olivier Schefer, Sergueï Zavialov traduit par Yvan Mignot, Chiara Ambrosio, Caterina Pasqualino, Frédérique Guétat-Liviani , Sarah Carton de Grammont, Véronique Bénéï, Géraldine Geay (Cahier N°2) ; Nicanor Parra, Francis Falceto, Michaël Batalla, Leslie Kaplan, Jacques Sicard, Philippe Jaffeux, Alessandro De Francesco, Patrick Beurard-Valdoye, Luc Champagneur (Cahier N°3) ; Jean Daive, Jacques Sicard, Pierre Brullé, Elisabeth Richard-Berthail, Nathalie Léger-Cresson, Roxana Paez, Frédéric Metz, Miguel Angel Petrecca, Pascale Petit, Jean-François Bory, Christian Désagulier, au rythme des PLANS D’ÉVASIONS NOCTURNES récidivistes de Frédérique Guétat-Liviani (Cahier N°4).